Un rapport du CMQ allègue que l’ancien directeur général de Waltham aurait commis plusieurs violations éthiques et professionnelles

Un rapport du CMQ allègue que l’ancien directeur général de Waltham aurait commis plusieurs violations éthiques et professionnelles

21 août 2024 à 2:05 pm

Mise à jour le 21 août 2024 à 3:11 pm

Un rapport publié par la Commission municipale du Québec (CMQ) la semaine dernière à la suite d’une enquête de plusieurs mois allègue un grand manquement déontologique et professionnel commis par l’ancien directeur général de la Municipalité de Waltham, Fernand Roy. L’enquête a débuté après que la mairesse Odette Godin eut soulevé plusieurs préoccupations à la suite d’un rapport de vérification externe en 2023, et qu’elle eut conclu que l’ancien directeur général avait commis une « grave faute de gestion » et qu’il avait même détourné des fonds publics pour son avantage personnel.  Le rapport note aussi que les archives municipales présentent de nombreuses erreurs et sont désorganisées, laissant à Annick Plante, l’actuelle directrice générale embauchée en mars 2024, la tâche de tout reconstruire tout en conservant ses fonctions habituelles.

Dans une déclaration écrite à CHIP 101,9, monsieur Roy a nié tout acte répréhensible et a contesté les conclusions du rapport.

« Je n’ai pas l’intention de contester ouvertement toutes les allégations que je considère fausses et diffamatoires contre moi et ma femme », a-t-il écrit. « Cependant, je tiens à informer les citoyens de Waltham que j’ai toujours agi de bonne foi et dans l’intérêt de la municipalité et que je trouve important de rétablir certains faits. »

L’ancien directeur a écrit que les chèques en blanc qu’il demandait à la municipalité étaient toujours utilisés pour des dépenses légitimes et que le conseil précédent était au courant de l’embauche de sa femme et l’avaient même approuvée. Il a également affirmé qu’il n’avait jamais été informé de l’existence d’irrégularités dans les procédures administratives et qu’il les aurait corrigées s’il avait été alerté.

Le rapport CMQ ne mentionne pas le nom de Fernand Roy comme étant l’ancien directeur général, et celui-ci a demandé que son nom ne soit pas divulgué, cependant, dans l’intérêt de faire preuve de transparence, CHIP 101.9 a décidé de le publier.

Il est à noter qu’une enquête du CMQ est différente d’une enquête criminelle et que ces allégations n’ont pas été présentés devant les tribunaux.

« Les constatations de faits, les conclusions et les recommandations contenues dans ce document ne peuvent être considérées comme des déclarations de responsabilité pénale ou civile », indique le rapport. « De plus, les règles de preuve et de procédure adoptées lors de l’enquête administrative sont différentes de celles qui régissent les tribunaux de justice. »

Embauché en 1985, M. Roy a démissionné de la municipalité en février 2024, peu de temps avant le début de l’enquête du CMQ. Il travaillait à temps plein, mais en Télétravail la plupart du temps. En plus de ses fonctions municipales, il administrait une entreprise à partir de son bureau à domicile, tenant des livres de comptes et demandant des permis pour divers organismes.

Le rapport du CMQ souligne également la résistance que Madame Godin a reçue de la part de certains de ses collègues membres du conseil.

« Au fil du temps, les conflits se sont aggravés, certains élus allant jusqu’à remettre en question la validité du rapport d’audit et d’autres critiquant les mesures prises par le maire pour suivre les recommandations. »

Allégations d’inconduite

« L’enquête a démontré que la gestion et la gouvernance de la Municipalité reposent entièrement sur la confiance des élus envers le Directeur général. Ainsi, jusqu’à la démission du Directeur général, le Conseil a accepté, sans poser de questions, les décisions prises par le Directeur général, qui n’a pas suffisamment informé le Conseil de plusieurs enjeux », note le préambule du rapport. « Cette situation du conseil est due à une mauvaise compréhension de ses propres rôles et responsabilités ainsi que du mode de fonctionnement du directeur général. L’organisation repose essentiellement sur des ententes verbales dont seul le Directeur général a connaissance. Ainsi, les conditions de travail des employés, leurs tâches et leurs privilèges ont été décidés il y a longtemps et se sont perpétués sans être écrits ou adoptés par résolution.

L’inconduite alléguée par le rapport est assez vaste. Les Roy faisaient régulièrement signer aux maires une série de chèques en blanc. Lorsque la maire Godin s’est opposée à cette pratique à son arrivée au pouvoir, il a affirmé que sa décision pourrait entraîner des retards dans certains paiements et qu’elle en serait responsable.

Aucun contrat de travail n’a été établi pour les employés municipaux, y compris celui des Roy, et certaines primes ont été accordées sans justification écrite. En outre, le rapport exprime des préoccupations quant à l’organisation de la documentation municipale.

« Plus précisément, le bureau municipal contient un classeur contenant les permis et un autre classeur sans organisation logique contenant peu de documents et des dossiers vides. De plus, il existe plusieurs boîtes en carton identifiées par année contenant un ensemble de documents et de factures. Cependant, il n’y a pas de système compréhensible pour identifier ce que l’on peut y trouver », peut-on lire. « Contrairement aux exigences de la loi 12, il n’existe donc pas de répertoire permettant de consulter la documentation municipale tels que les règlements, les résolutions ou autres archivent (s’ils existent). Nos conclusions sont similaires en ce qui concerne l’archivage informatique. À son départ, le directeur général a laissé à la municipalité un ordinateur contenant des documents enregistrés sans nom. De plus, l’historique de la correspondance électronique a été altéré par le directeur général en utilisant son adresse électronique personnelle d’entreprise dans le cadre de ses fonctions municipales. Bien que cette correspondance soit en fait la propriété de la municipalité, celle-ci en est aujourd’hui dépossédée. Le suivi des dossiers citoyens, des offres et des achats antérieurs est maintenant difficile. Ce manque de documentation et d’archivage prive la municipalité de son histoire et fragilise son administration.»

Le rapport note que monsieur Roy a versé à sa femme un salaire pendant environ 10 ans, avec un taux plus élevé que certains autres employés municipaux qui étaient là depuis plus longtemps et qui figuraient sur la liste de la ligne budgétaire de l’urbanisme. Le rapport ajoute que madame Roy a démissionné de son emploi en octobre 2023 après que le rapport de l’auditeur ait soulevé des questions sur son embauche. Le rapport s’interroge également sur la nature exacte de l’emploi du conjoint.

« Nos constats sont que la distribution de chèques par la Municipalité au nom de l’épouse du Directeur général constitue la seule trace existante la liant à la Municipalité. Plus précisément, aucun écrit, aucun geste, aucun contact avec un citoyen ou un élu ne permet de conclure que cette personne était effectivement employée par la Municipalité », peut-on lire. Seuls le Directeur général et son épouse soutiennent la vérité sur cet emploi, qu’elle aurait exercé entièrement à partir de chez elle, et qui consiste à trier, affranchir et préparer le courrier municipal. Monsieur ainsi que son épouse expliquent que, compte tenu de l’aide qu’elle apportait à son conjoint dans ses tâches quotidiennes, ils ont décidé qu’il serait juste et avantageux pour elle d’être à l’emploi de la Municipalité, afin de bénéficier de certains avantages sociaux. Dans le même temps, nous constatons qu’en dépit de ces fonctions « administratives » que l’épouse du directeur général aurait exercées, ce poste a été inscrit au poste budgétaire « urbanisme ». L’inclusion de ce poste budgétaire s’explique par le fait que le Directeur général s’est attribué, en plus de ses fonctions, des fonctions d’urbanisme, puisqu’il a enregistré les permis à la place de l’inspecteur municipal, ce dernier ne sachant pas se servir d’un ordinateur.

Madame Roy a remis sa lettre de démission en octobre 2023 peu de temps après que le rapport de vérification externe a eu soulevé des questions sur son embauche, Fernand Roy a ensuite soumis une résolution visant à augmenter son salaire du montant versé à son épouse. La mairesse Godin aurait bloqué la résolution, mais son salaire fut quand même augmenté lors du prochain budget.

Les enquêteurs ont également découvert que monsieur Roy émettait également des factures mensuelles manuscrites à la municipalité pour l’utilisation de son ordinateur personnel, d’Internet, de son télécopieur et de sa ligne téléphonique, qu’il utilisait aussi pour ses affaires privées. Le rapport met en évidence plusieurs problèmes liés à cette pratique :

  1.  Tout d’abord, le Directeur général est un employé de la Municipalité. Il ne peut donc pas émettre personnellement des factures comme s’il était un travailleur indépendant.
  2.  Légalement, seul le conseil peut accorder de tels avantages financiers. Cependant, aucune résolution du conseil ne la permit.
  3.  La Municipalité engage déjà annuellement des ressources financières pour mettre l’ensemble de ces services à la disposition du Directeur général au bureau municipal. Par conséquent, la municipalité les paie deux fois.
  4. Une telle facturation prive la Municipalité de fonds financiers qu’elle peut normalement récupérer par le biais du remboursement des impôts dont elle bénéficie.

De plus, le rapport indique que monsieur Roy était propriétaire de « l’ordinateur municipal » et qu’il facturait des frais mensuels à la municipalité pour son utilisation.

« Selon le directeur général, tout a commencé parce que les élus ne voulaient pas dépenser de l’argent pour l’achat d’un ordinateur municipal. Depuis lors, il utilise également l’ordinateur pour ses affaires personnelles et achète un nouvel ordinateur environ tous les trois ans », peut-on lire. Il prétend lui-même jeter les vieux ordinateurs tels qu’ils viennent, bien qu’il n’y ait aucun mécanisme de contrôle pour confirmer ses déclarations. L’enquête a montré que le directeur général continuait de recevoir un paiement mensuel même après que l’ordinateur a été payé. Les coûts informatiques sont donc exorbitants pour la Municipalité, qui se retrouve à payer pour un ordinateur bien au-dessus de son prix. De plus, cette pratique fait perdre à la municipalité le bénéfice de récupérer les taxes lors de l’achat de l’ordinateur et l’empêche de récupérer les ordinateurs après trois ans de vie afin d’en disposer comme elle le souhaite. Enfin, mentionnons que la Municipalité devrait être le propriétaire de l’ordinateur municipal qui contient les données personnelles des contribuables et les informations financières qui devraient y être sécurisées.

Le rapport indique également que les élus n’ont pas été tenus au courant des affaires municipales, y compris du rapport de l’auditeur qui a finalement déclenché l’enquête.

« Nous constatons également que les informations pertinentes ne sont pas toujours transmises au conseil, comme c’était initialement le cas pour le rapport d’audit de l’auditeur externe », peut-on y lire. « En fait, la proposition annuelle du vérificateur au directeur général de rencontrer le conseil pour expliquer son audit n’a jamais été transmise au conseil par le directeur général. »

Conclusion et recommandations

Dans la conclusion du rapport, celui-ci souligne la mauvaise compréhension des membres du conseil municipal de leurs propre rôles et responsabilités, ce qui a permis à la mauvaise gestion de se produire pendant si longtemps. Cependant, le rapport félicite la mairesse Odette Godin pour ses actions qui ont finalement mis de la lumière sur les actes répréhensibles commis par l’ancien directeur générale.

 « Il convient de mentionner que la mairesse, malgré l’opposition qu’elle a pu rencontrer, s’est comportée comme elle aurait dû le faire », indique le rapport. « Elle s’est acquittée de ses fonctions de surveillance et d’enquête conformément à la Loi, a remis en question les pratiques qui n’étaient pas recommandées et a voulu donner suite aux recommandations du vérificateur externe. »

Godin a déclaré à CHIP 101,9 que le processus avait été difficile, mais qu’elle se sentait justifiée par le rapport.

Le rapport formule également six recommandations à l’intention de la municipalité, dont certaines sont déjà en cours :

  •  le dépôt du rapport à la prochaine séance du conseil, le 3 septembre ;
  • investir des ressources financières et humaines pour aider la DG à remédier à la situation à la mairie
  • que le Conseil suive les recommandations du vérificateur externe ;
  •  mandater un tiers pour enquêter sur l’impact du manque d’archives sur la validité des actes, des règlements et des contrats de Waltham et, le cas échéant, rectifier la situation
  •  nommer un observateur pour vérifier que les recommandations corrigent suffisamment les problèmes relevés dans le rapport ;
  •  Collaborer activement avec l’observateur pour s’assurer que son mandat est exécuté et mettre en œuvre toute autre mesure corrective qu’il recommande.